Surmonter Les Distorsions Cognitives et Les Erreurs de Jugement
Les distorsions cognitives sont des façons dont notre cerveau modifie la réalité. En réalité, elles ne sont pas un problème ou un trouble, mais un effet normal de la façon dont notre esprit fonctionne.
Notre cerveau ne voit pas le monde tel qu’il est. Au lieu de cela, il choisit de se concentrer sur certaines choses et de modifier ou d’ignorer d’autres détails. Par exemple, si on marche dans la rue et qu’on voit quelque chose sur le sol, notre cerveau peut penser tout de suite : « C’est un serpent! » et nous faire sauter. Cela montre comment notre cerveau essaie de nous protéger en réagissant vite, même si cela ne correspond pas toujours à la réalité.
Notre esprit utilise des raccourcis pour traiter l’information plus rapidement et protéger notre corps. Il catégorise les choses, donne des étiquettes et préfère les explications simples. Quand nous résolvons des problèmes, notre esprit choisit souvent la solution la plus rapide. D’un point de vue évolutif, le temps et l’énergie sont des ressources très importantes.
Mais aujourd’hui, nous ne vivons plus comme nos ancêtres dans la nature. Certaines distorsions cognitives ne causent pas toujours de problèmes, mais elles peuvent être à l’origine de souffrances psychologiques dans la vie moderne. Parfois, nos pensées négatives automatiques sont dues à des distorsions cognitives. Il est donc important de les reconnaître et d’apprendre à les gérer. Dans cet article, nous allons parler des distorsions cognitives les plus courantes et de quelques techniques de la thérapie cognitivo-comportementale pour les surmonter.
1. La généralisation excessive
La généralisation excessive consiste à tirer une conclusion générale à partir de très peu de preuves, parfois même d’un seul événement. Par exemple, une personne peut prédire l’avenir à partir d’une expérience passée.
Exemple:
Sarah a obtenu 40 sur 100 lors de son premier examen de mathématiques. Elle pense alors :
- « Je ne vais jamais réussir ce cours. »
- « Je suis nulle en maths. »
- « Je ne réussirai jamais à l’université. »
Comment surmonter la généralisation excessive
Reconnaissez la distorsion
- Demandez-vous :
« Est-ce que je fais une généralisation excessive ? »
Envisagez des alternatives
- « Est-ce qu’il est impossible d’obtenir de meilleures notes à l’avenir ? »
- « Un seul examen est-il suffisant pour dire que je suis mauvaise en mathématiques ? »
- « Est-ce qu’il m’est déjà arrivé de penser que je n’avais pas réussi quelque chose et d’avoir finalement bien réussi ? »
Proposez une explication plus objective
- « Je pourrais obtenir de meilleures notes à l’avenir. Cela ne signifie pas que je suis mauvaise en maths, mais simplement que je n’ai pas eu la note que j’attendais lors de ce premier examen. Un seul examen ne définit pas mes compétences en mathématiques. »
Concentrez-vous sur ce que vous pouvez contrôler
- « Ma note n’est pas aussi bonne que je l’espérais, mais elle est améliorable. Cette pensée ne me laisse pas de chance d’être meilleure à l’avenir ; au lieu de cela, je peux me concentrer sur la manière d’améliorer ma note. »
2. Étiquetage
L’étiquetage consiste à se décrire soi-même ou à décrire les autres de manière négative sur la base de preuves insuffisantes.
Exemple :
Pierre fait des erreurs à cause de ne pas avoir bien lu toutes les options lors de son examen et il se critique :
- « Je suis stupide. Je suis tellement distrait. »
Juliette rencontre un voisin dans la rue et lui dit « Bonjour ». Le voisin lui répond en souriant « Bonjour », mais continue de marcher sans s’arrêter. Juliette conclut alors :
- « Quelqu’un de froid ! »
Comment surmonter l’étiquetage
Reconnaissez la distorsion
Demandez-vous:
- « Est-ce que je suis en train de me donner une étiquette ou de donner une étiquette à quelqu’un d’autre ? »
Envisagez des alternatives
- « Que signifie vraiment le fait que je dise qu’il est ‘froid’ ? Qu’est-ce que cela veut dire ? »
- « Est-ce qu’il faut vraiment qu’il s’arrête pour discuter pour que je ne le qualifie pas de froid ? »
- « Son comportement pourrait-il avoir une autre explication ? »
- « Si c’est vraiment quelqu’un de froid, pourquoi cela devrait-il être quelque chose de négatif ? »
Proposez une explication plus objective
- « Ce matin, je pensais pouvoir discuter avec lui, mais il a continué à marcher, donc je n’ai pas pu parler avec lui. Peut-être qu’il était pressé. Peut-être qu’il avait une autre raison. Peut-être qu’il n’aime pas parler avec les gens. Mais pourquoi cela devrait-il être un problème ? Les gens sont comme ils sont. La manière dont nous les étiquetons ne détermine pas qui ils sont réellement. De plus, c’était seulement une fois que j’ai eu cette expérience avec lui. Il serait injuste de juger son caractère sur ce seul acte. »
Concentrez-vous sur ce que vous pouvez contrôler
- « Si je veux vraiment discuter avec lui, pourquoi ne l’inviterais-je pas à prendre un café ? »
3. Pensée en noir et blanc
Ce type de distorsion consiste à voir les événements comme étant totalement bons ou totalement mauvais, vrais ou faux.
Exemples :
- « Ils ne m’écoutent jamais. »
- « Je suis une mauvaise mère. Je ne sais pas comment gérer mes enfants. »
Comment surmonter la pensée en noir et blanc
Reconnaissez la distorsion
Demandez-vous :
- « Est-ce que je vois les événements en noir et blanc ? »
Envisagez des alternatives
- « Est-ce qu’ils ne m’écoutent vraiment jamais ?
- « Est-ce que je suis vraiment une mauvaise mère ? »
Proposez une explication plus objective
- « Il y a des moments où ils m’écoutent. »
- « S’attendre à ce que tout soit parfait n’est pas réaliste. Le fait que mes enfants ne m’écoutent pas pourrait simplement indiquer que je dois changer quelque chose, mais cela ne fait pas de moi une mauvaise mère. »
Concentrez-vous sur ce que vous pouvez contrôler
- « Mes enfants et moi avons peut-être des besoins différents et c’est normal. Le fait qu’ils ne fassent pas tout ce que je dis ne fait pas de moi une mauvaise mère, et cela ne fait pas d’eux des mauvais enfants non plus. Je peux me concentrer sur mes points forts et réfléchir à ce que je peux faire pour améliorer les aspects que je veux développer. »
4. Personnalisation
Dans ce type de distorsion, nous nous sentons responsables de chaque aspect négatif.
Exemple :
Sophie boit un café avec son petit ami. En remarquant qu’il parle peu, elle pense :
- « Il est en colère contre moi. Il est contrarié par quelque chose que j’ai dit ce matin. »
Cependant, son petit ami pense simplement à un problème au travail.
Comment surmonter la personnalisation
Reconnaissez la distorsion
- « Est-ce que cela pourrait ne pas être lié à moi ? »
Envisagez des alternatives
- « Est-ce que son silence pourrait avoir une autre explication ? »
Proposez une explication plus objective
- « Peut-être qu’il pense à ses examens ou qu’il n’a pas bien dormi. Son silence n’a pas nécessairement à voir avec moi. »
Concentrez-vous sur ce que vous pouvez contrôler
- « Si je veux discuter avec lui, pourquoi ne pas commencer la conversation ? »
5. Raisonnement émotionnel
Le raisonnement émotionnel est un mode de pensée où nous évaluons la réalité en fonction de nos émotions.
Exemples :
- « Je me sens coupable, donc j’ai dû faire quelque chose de mal. »
- « Je me sens triste, donc il doit y avoir quelque chose qui me perturbe inconsciemment. »
- « Je me sens horrible quand je pense à ma thèse, alors peut-être que je ferais mieux de ne pas travailler maintenant. »
Comment surmonter le raisonnement émotionnel
Reconnaissez la distorsion
- « Si je ne ressentais pas ça, est-ce que je penserais différemment ? Par exemple, si je n’étais pas aussi accablée par la culpabilité, aurais-je l’impression d’avoir fait quelque chose de mal ? »
Envisagez des alternatives
- « Y a-t-il d’autres raisons possibles pour lesquelles je ressens cela ? »
- « Puis-je agir différemment, même si je ressens ces émotions ? »
Proposez une explication plus objective
- « Peut-être que je ressens de la culpabilité sans raison. Mon cerveau pourrait être habitué à cette émotion, comme cela m’a dit mon thérapeute en lien avec le trouble obsessionnel-compulsif. Ressentir de la culpabilité ne signifie pas que j’ai fait quelque chose de mal. Peut-être que je peux accepter cette émotion et, même si je me sens coupable, choisir de me comporter autrement. »
Concentrez-vous sur ce que vous pouvez contrôler
- « …Je ne peux pas contrôler mes émotions, mais je peux contrôler mes comportements. »
6. Filtrage
Le filtrage est une tendance à ignorer les aspects positifs d’une situation et à se concentrer sur un détail négatif, même s’il est insignifiant.
Exemple :
Catherine remarque quelques fautes de frappe dans son rapport remis et pense qu’elle a présenté un travail médiocre et que son professeur la considérera comme quelqu’un de négligent.
Comment surmonter le filtrage
Reconnaissez la distorsion
- « Suis-je seulement concentré sur les erreurs ? »
Envisagez des alternatives
- « Est-ce qu’il n’y a vraiment aucune chose positive dans le fait d’avoir soumis mon rapport, même avec des erreurs ? »
- « Est-ce que mon rapport est vraiment mauvais ? »
- « Comment puis-je savoir que le professeur va me trouver négligente ? Peut-être qu’il ne remarquera même pas les fautes de frappe. Même s’il les remarque, cela pourrait ne pas être important pour lui. »
Proposez une explication plus objective
« Il n’est pas vrai que j’ai soumis un mauvais rapport. La raison pour laquelle je pense ainsi est que je tiens à soumettre un travail de qualité. J’ai mis beaucoup de travail dans ce projet et j’ai fait de mon mieux. Quelques fautes de frappe ne rendent pas tout mon travail mauvais. En plus, le professeur pourrait ne même pas remarquer mes erreurs, ou s’il les remarque, il pourrait ne pas les considérer comme importantes. »
Concentrez-vous sur ce que vous pouvez contrôler
« Mon travail mérite d’être apprécié. Je peux me concentrer sur les points forts de mon rapport et sur le fait que je l’ai bien soumis. »
7. Sauter aux conclusions – Prédiction – Faire des inférences – Lire dans les pensées
Dans cette distorsion, nous supposons que nous savons ce que les autres ressentent ou pourquoi ils agissent de telle ou telle manière (lecture de pensée), ou nous croyons savoir comment les événements vont se dérouler dans le futur (prédiction).
Exemple :
Le petit ami de Virginie ne répond pas à ses appels du matin. Virginie pense :
- « Il veut me quitter. »
Comment surmonter le saut aux conclusions
Reconnaissez la distorsion
- « Suis-je en train de sauter aux conclusions ?”
Envisagez des alternatives
- « Est-ce que son non-répondre a une autre explication ? Peut-être qu’il travaille, qu’il dort, qu’il étudie ou joue à un jeu ? »
- « Est-ce que cela m’est déjà arrivé auparavant ? »
Proposez une explication plus objective
- « Il est possible qu’il veuille me quitter, mais ce n’est peut-être pas la raison pour laquelle il n’a pas répondu au téléphone. Il pourrait y avoir de nombreuses raisons. Je pense à cela parce que je ne veux pas le perdre. Mais penser constamment à la possibilité de la rupture me rend nerveuse, ce qui peut nuire à notre relation… »
Concentrez-vous sur ce que vous pouvez contrôler
- « Y a-t-il quelque chose que je puisse faire dans cette situation ? Peut-être que je pourrais travailler sur la question ‘Que se passerait-il si nous nous séparions ?’ et essayer de comprendre les raisons sous-jacentes de ma peur de la rupture. »
8. Amplification et minimisation
Parfois, nous exagérons nos défauts tout en minimisant ceux des autres. De même, nous avons tendance à minimiser nos qualités et à exagérer les qualités des autres.
Exemple :
Camille prépare le dîner. Son téléphone sonne et, en discutant avec son amie Audrey, elle laisse brûler la nourriture. Elle se dit :
- « Je ne réussis jamais rien. »
- « Audrey ne ferait jamais une erreur comme ça. Elle est toujours si attentive. »
Comment surmonter l’amplification et la minimisation
Reconnaissez la distorsion
- « Est-ce que je ne réussis vraiment rien ? »
- « Audrey est-elle vraiment toujours aussi attentive ? »
- « Est-ce que le fait que la nourriture ait brûlé signifie que je suis une mauvaise cuisinière ? »
Envisagez des alternatives
- « Quelles autres raisons ont pu causer la brûlure du repas ? »
Proposez une explication plus objective
- « Le fait que la nourriture ait brûlé ne signifie pas que je suis une mauvaise cuisinière. De plus, je ne sais même pas si Audrey a déjà brûlé un repas. Peut-être que cette pensée vient de ma faim et de mon impatience d’attendre le dîner. »
Concentrez-vous sur ce que vous pouvez contrôler
- « Que puis-je faire maintenant ? Peut-être que je peux préparer rapidement quelque chose d’autre pour le dîner. »
9. Pensées de nécessité / Expressions de type « il faut que »
Parfois, nous essayons de nous enfermer dans des schémas de pensée du type « je dois / je devrais » et de faire de même pour les autres. Lorsque la réalité ne correspond pas à ces attentes, nous ressentons de la déception, de la culpabilité ou de la colère.
Exemples :
À propos de soi-même :
- « Je devrais être heureux. J’ai tout ce qu’il faut. Pourquoi est-ce que je me sens ainsi ? »
- « Je ne devrais pas être en colère. »
À propos des autres :
- « Il aurait dû arriver à l’heure. »
Comment surmonter les pensées de nécessité
Reconnaissez la distorsion
- « Sur quelle base détermine-t-on quelle émotion je dois ressentir ? »
Envisagez des alternatives
- « Peut-être qu’au lieu de penser que ‘je dois être heureux’, je peux accepter qu’il soit naturel de ne pas toujours ressentir cela. »
Proposez une explication plus objective
- « Vérifier constamment si je suis heureux et m’inquiéter de mon humeur me rend encore plus déprimé. Je ne peux pas contrôler mes émotions, mais je peux contrôler mes comportements. Je choisis de me concentrer sur ce que je fais en ce moment, plutôt que de me concentrer sur mes émotions. »
Concentrez-vous sur ce que vous pouvez contrôler
- « Je ne peux pas contrôler mes émotions, mais je peux contrôler mes actions. »
Reconnaître nos propres distorsions cognitives peut être difficile au début. Cependant, une fois que nous avons repéré nos distorsions courantes, il devient de plus en plus facile de les reconnaître à chaque fois.
Si vous avez du mal à repérer les distorsions cognitives dans vos pensées, vous pouvez les partager avec moi directement par message ou dans la section des commentaires.
A bientot,
Ayşegül
Références
Burns, D. D. (2012). Feeling Good: The New Mood Therapy. New York : New American Library.
Cognitive Distortions: When Your Brain Lies to You. (Sep, 2017). Récupéré le 22 juillet 2018 de www.positivepsychologyprogram.com/cognitive-distortions/
10 Cognitive Distortions Sabotaging Your Brain, Récupéré le 22 juillet de https://iqdoodle.com/cognitive-distortions/
Note : Cet article est la traduction en français de l’article intitulé Cognitive Distortions and How to Overcome Them de l’auteur, publié le 23 juillet 2018.